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2017/07/12
Les actions de la zone Euro restent-elles attractives? Opinion de Marco Bonaviri

Ces dix dernières années, les actions européennes ont été boudées par les investisseurs internationaux. La débâcle  de la dette européenne et le sauvetage  de la Grèce en 2010 ont contribué au sentiment longtemps négatif vis-à-vis de la « vieille » Europe. Une faible productivité, la faiblesse des institutions et la pénétration élevée des syndicats sont souvent évoquées pour expliquer la défiance des investisseurs vis-à-vis de l'Europe. Du point de vue de l'investissement, ce manque d'intérêt s'est trouvé justifié par le fait que les actions européennes ont sous-performé les actions américaines de plus de 90% depuis le plus fort de la crise financière mondiale en 2009. Le manque de solidité financière s'est également manifesté sur le marché des changes, avec une baisse de 30% de l'euro par rapport au dollar US depuis son plus haut atteint en 2008. Nous avons toutefois observé récemment que le sentiment à l'égard des actions européennes, notamment vis-à-vis des actions de la zone euro, a évolué de façon spectaculaire, les stratèges actions internationaux passant à une surpondération d'ampleur telle à rendre le positionnement bondé. 

En premier lieu, la contraction des bénéfices constatée en 2015-2016 a pris fin et les prévisions de croissance des BPA des analystes pour les actions de la zone euro en 2017 s'établissent à 18%, niveau le plus élevé parmi les régions développées. Fait intéressant, ce n'est que la deuxième fois en dix ans que les prévisions de croissance des bénéfices pour la région ont été rehaussées depuis le début de l'année, contrairement à la tendance de révisions à la baisse observée chaque année depuis 2011. L'on aurait pu craindre que des anticipations aussi exigeantes ne débouchent sur des déceptions lors de la publication des bénéfices et que les entreprises n'atteignent pas les prévisions lors de la saison des résultats. Il n'en a rien été. Les actions de la zone euro ont enregistré un solide premier trimestre 2017, apportant la plus belle surprise depuis sept ans avec une croissance de 20% des BPA sur un an et une hausse de 9% des chiffres d'affaires d'une année sur l'autre. En outre, 61% des entreprises ont dépassé les prévisions de BPA de 8%, et 80% ont dépassé les prévisions de chiffre d'affaires de 3%. De surcroît, la croissance des BPA s'est montrée généralisée, l'ensemble des secteurs hormis les services aux collectivités et l'immobilier ayant enregistré une croissance positive. L'effet de base associé aux matières premières a permis aux secteurs de l'énergie et des matériaux d'afficher la plus forte croissance des bénéfices et des chiffres d'affaires, et le récent rebond de l'activité économique a contribué à l'amélioration de la rentabilité des entreprises cycliques.

L'autre argument qui plaide en faveur des actions de la zone euro concerne les valorisations. Certes, avec un PER à 12 mois de 15,5x, niveau supérieur de 15% à la médiane sur 10 ans, les actions de la zone euro ne semblent plus bon marché. Cependant, d'un point de vue relatif, les écarts de valorisation avec les autres marchés actions et les autres classes d'actifs restent importants et proches des sommets observés durant la crise. Selon notre indicateur composite de valeur normalisée, les actions de la zone euro sont bon marché par rapport aux actions américaines, un constat confirmé par la décote extrême qu'affiche le ratio cours-valeur comptable relatif neutre du point de vue sectoriel. De plus, le rendement du dividende des actions de la zone euro atteint 3,1%, soit nettement plus que le rendement de 2% des actions américaines et que le rendement  de 2,6% perçu par les porteurs d'obligations européennes à haut rendement. En termes de performance, les actions de la zone euro sous-performent encore les actions américaines de plus de 100% en monnaie locale depuis la crise financière, et ce en dépit de leur récente surperformance. Plus frappant encore, les BPA dans la zone euro restent inférieurs de 32% à leurs plus hauts d'avant la crise, tandis que ceux aux Etats-Unis sont supérieurs de 21% à leurs sommets d'avant-crise. Par rapport aux creux atteints durant la crise financière, les BPA sur 12 mois glissants aux Etats-Unis ont augmenté de 139% contre seulement 45% dans la zone euro, ce qui représente un écart de croissance de 94%. Selon nous, les actions de la zone euro sont désormais sur le point de rattraper leur retard et de réduire l'écart en termes de performance et de croissance des BPA par rapport aux actions américaines, et devraient également se redresser par rapport aux obligations européennes .

Globalement, l'activité économique dans la zone euro s'est accélérée depuis la mi-2016 et les indicateurs avancés atteignent désormais des sommets inédits depuis plusieurs années, laissant penser que cette dynamique est susceptible de persister. Depuis le début de l'année, les indicateurs conjoncturels  se montrent particulièrement solides, les indices PMI et les enquêtes de confiance affichant leurs plus hauts depuis six ans. Par ailleurs, la croissance du PIB dans la zone euro au premier trimestre a atteint l'un de ses niveaux les plus élevés des dix dernières années, à 0,6% en glissement trimestriel. Les banques offrent des prêts bon marché, le marché du logement se redresse, le marché de l'emploi se tend et les pouvoirs publics promettent des baisses d'impôts. La résolution des incertitudes politiques dans un sens favorable pourrait également aider à libérer l'investissement. Notamment, depuis 2015, l'économie dans la zone euro s'est recentrée sur des moteurs de croissance intérieurs comme la consommation et les dépenses d'investissement, ce qui a induit une dynamique économique plus large et résiliente. La baisse des prix de l'énergie, le repli de l'euro, la hausse régulière de l'inflation et la reprise de l'activité dans les pays émergents sont autant de facteurs qui ont contribué à la récente accélération de la croissance.

Les flux de capitaux d’investissement cumulés  vers lesactions européennes sont restés négatifs durant la majeure partie de 2016 mais cette tendance a commencé à s'inverser en fin d'année. Les flux vers lesactions européennes hors Royaume-Uni depuis le début de l'année en cours s'établissent à 19,3 milliards USD, en hausse de 7,9%, et sont les plus élevés toutes régions confondues. Ces afflux ont eu lieu pour la plupart juste après le premier tour des élections présidentielles françaises, indiquant qu'un volume considérable de capitaux était conservé en réserve dans l'attente du résultat, alors même que l'opinion de la majorité des investisseurs internationaux vis-à-vis des actions de la zone euro était devenue positive au deuxième semestre 2016. Le positionnement sur la région reste faible néanmoins, en particulier suite à la sortie de capitaux  constatés dans le sillage du vote en faveur du Brexit, et nous pensons que les afflux vers les actions de la zone euro sont susceptibles de persister encore un temps compte tenu de la marge qui existe avant de récupérer les capitaux qui ont fui la région ces dernières années.

Malgré ces facteurs positifs, des failles apparaissent dans l'argumentaire d'investissement en faveur des actions de la zone euro. En premier lieu, les prévisions de croissance des bénéfices en 2017 tablent de façon excessive sur le retour en force des établissements financiers et des entreprises énergétiques, ces deux secteurs représentant la moitié des prévisions consensuelles de croissance des BPA cette année. Depuis la mi-novembre 2016, les cours du pétrole ont progressé en glissement annuel, donnant aux entreprises énergétiques une impulsion qui s'est manifestée dans leurs résultats du premier trimestre 2017. Cependant, le prix du brut léger américain s'affiche actuellement en baisse de 13% sur un an, ce qui va de nouveau mettre la pression sur les entreprises énergétiques d'ici fin 2017 et remet en question la croissance de 76% des BPA prévue dans le secteur. Les rendements obligataires dans la zone euro et aux Etats-Unis sont orientés à la baisse depuis janvier, alors que les anticipations d'inflation retombent de part et d'autre de l'Atlantique. Le maintien du bas niveau des rendements voire même leur nouvelle baisse aurait pour effet de réduire la marge d'intérêt nette des banques et pourrait menacer la croissance des BPA dans le secteur financier.

En second lieu, les économistes s'accordent à penser que la phase d'accélération du cycle de reprise est maintenant derrière nous et que la dynamique économique dans la zone euro a sans doute atteint son maximum au premier semestre 2017. La croissance devrait rester stable mais les prévisions annoncent une décélération de la dynamique économique à compter du deuxième semestre 2017. La croissance réelle des salaires reste trop proche de zéro et les conditions financières risquent de se durcir désormais. La croissance du crédit ralentit et les perspectives concernant les dépenses d'investissement s'assombrissent. La croissance des exportations semble avoir atteint un pic pour le moment et le récent raffermissement de l'euro ne plaide pas en faveur d'une nouvelle accélération. Les négociations sur le Brexit et les incertitudes politiques en Italie constituent des sources potentielles d’incertitudes  et de volatilité.

Il n'est pas d'argumentaire d'investissement qui ait uniquement des arguments pour et aucun argument contre, et nous estimons que les actions de la zone euro restent attractives et bénéficient de facteurs positifs. La solide croissance des bénéfices, les valorisations comparativement attrayantes, la dynamique économique certes moins forte mais néanmoins résiliente, le sous-positionnement des investisseurs et la diminution des incertitudes politiques ont induit une évolution positive du sentiment des investisseurs vis-à-vis des actions de la zone euro bien que des nuages s'amoncellent à l'horizon. Du point de vue de l'investissement, les entreprises européennes de taille moyenne hors secteurs financier et de l'énergie présentant une croissance et des cash-flows stables pourraient offrir le meilleur potentiel.