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23/12/2016
Echange automatique de renseignements et le marché de résidences fiscales - par Drazen Turujlija

Il est maintenant de notoriété publique que l’échange automatique de renseignements (« EAR ») entrera en vigueur en Suisse le 1er janvier 2017. Les institutions financières commenceront alors la collecte des informations relatives aux comptes financiers de leurs clients résidents des Etats ayant signé avec la Suisse un accord EAR (« Etats Partenaires »). Certains professionnels promettent ainsi la confidentialité pendant au moins toute l’année 2017 à leurs clients domiciliés dans les pays n’ayant pas encore choisi d’échanger les renseignements avec la Suisse. C’est un conseil fort inopportun qui semble ignorer l’impact de l’approche large prévue par la réglementation internationale à l’origine de l’EAR, encore appelée Common Reporting Standards (« CRS »). Les institutions financières suisses pourront en effet, dès janvier 2017, collecter les informations relatives à l’ensemble de leurs clients non-résidents. Ce ne sont donc pas seulement les résidents des Etats Partenaires qui seront identifiés. Cela permettra aux banques de s’affranchir du fastidieux travail d’identification à chaque fois qu’un nouveau pays signe un accord avec la Confédération. Aussi, un client ayant un compte suisse ouvert au 1er janvier 2017 risque de voir son information collectée et stockée, pour être ensuite échangée avec son pays de résidence le jour où celui-ci devient un Etat Partenaire. Cela pourrait se produire même si, entre temps, le compte a été clôturé ou si le client a changé de résidence fiscale. Pour éviter cela, de nombreux clients ont décidé de changer de résidence fiscale avant l’entrée en vigueur de l’EAR. Les uns se sont empressés d’obtenir un certificat de résidence fiscale de complaisance, délivré par des pays plus ou moins exotiques en contrepartie d’investissements. D’autres ne déclarent à leur banquier que la résidence la plus attractive fiscalement, tout en étant résidents fiscaux d’autres pays. Certains ont enfin réellement changé de résidence fiscale, en oubliant néanmoins de déclarer leurs actifs dans le pays d’origine. En peu de temps, un véritable marché de résidences fiscales s’est créé, de manière à contourner l’EAR à la satisfaction de l’ensemble des acteurs. Les états ont attiré sur leur territoire des individus fortunés, les différents conseillers ont monnayé leur « expertise » au prix fort et les clients se pensent à l’abri de leurs fiscs respectifs. Beaucoup ignorent cependant le fait que l’OCDE n’est pas dupe et que son attentisme fait partie d’une stratégie plus large, dite à « effet de cliquet ». Celle-ci consiste à amener le plus grand nombre de pays à embrasser l’EAR, avant de s’occuper du colmatage des brèches identifiées dans les CRS. Ainsi, l’institution de Paris s’apprête (probablement en juillet 2017) à modifier les règles en vigueur de façon à rendre obligatoire l’échange d’informations avec l’ensemble des juridictions dont un client était résident fiscal au cours des dix années précédentes.  A titre d’exemple, pour un client résident russe s’installant au Portugal en 2016 dans le cadre du « Golden Visa Program », la banque suisse sera tenue d’échanger les informations avec le Portugal …mais aussi avec la Russie. Pour échapper à l’échange avec la Russie, le client pourra certes produire une attestation d’absence de dettes fiscales dans ce pays. Une telle attestation délivrée par les autorités russes ne sera cependant pas aisée à obtenir et sa demande entrainera sans doute un contrôle fiscal approfondi. De sorte, le changement de résidence fiscale restera un coup d’épée dans l’eau. Le client, à qui on a promis la confidentialité en échange d’investissements relativement élevées (EUR 500’000 dans l’immobilier), verra in fine ses informations transférées vers la Russie. Il sera alors le seul dindon de la farce.

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