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2017/02/27
Pour identifier les segments défensifs - Opinion de Cédric Özazman, Responsable des Investissements

Depuis l’élection de Donald Trump en novembre 2016, nous avons assisté à des violents mouvements de flux sur les actifs financiers, plus particulièrement sur les obligations et les actions. Ainsi, les premières ont subi des sorties de fonds de plus de USD 42 milliards (source ML, ERPR) en deux mois, alors que les dernières ont tiré leur épingle du jeu en collectant environ USD 70 milliards d’argent frais, principalement outre Atlantique. Alors que de nombreux investisseurs ont été surpris par l’ampleur et la vitesse de ce phénomène, la grande question qui vient à l’esprit est de savoir si cette nouvelle tendance est soutenable ou au contraire éphémère. Répondre à cette question de façon correcte est primordial pour la gestion de l’allocation d’actifs en 2017 car détenir une part trop importante d’instruments réputés défensifs est en réalité une source de risque considérable. Avant d’esquisser une réponse, un petit rappel sur l’histoire récente des marchés boursiers s’impose.

Au cours des neuf dernières années, à savoir depuis la crise de 2008, un portefeuille composé équitablement en actifs risqués et instruments à revenus fixes a pu générer des performances positives durant les différentes phases de marchés grâce aux vertus de la diversification. En d’autres termes, à chaque période de stress sur les actions, ce sont les obligations qui se sont appréciées pour offrir un relais de performance au portefeuille équilibré, agissant ainsi comme un coussin amortisseur grâce aux effets de corrélation négative. Cerise sur le gâteau, il y a eu des périodes où les deux grandes classes d’actifs se sont appréciées simultanément, ce qui a bien évidemment facilité la tâche des gérants traditionnels. Ce mécanisme de protection naturelle des obligations est également la résultante d’un contexte économique déprimé où la menace déflationniste s’est faite grandissante. En effet, pour combattre cette menace, l’ensemble des banques centrales des pays développés ont pris le taureau par les cornes en recourant à l’artillerie lourde par le biais de politiques monétaires non conventionnelle (plus communément nommée « QE » ou ajustement quantitatif) et ont donc acheté massivement les obligations, provoquant une hausse soutenue des prix durant la dernière décennie.

En partant du postulat que le climat économique était sclérosé, particulièrement en Europe et au Japon, les investisseurs se sont donc rués sur des actifs qui profitent du soutien inconditionnel des banques centrales (obligations) d’une part et qui offrent un rendement bien supérieur (actions défensives à dividende élevé par exemple) aux taux d’intérêts d’autre part. Les investisseurs les plus sophistiqués se sont aussi dirigés vers l’immobilier ou encore des titres à faible volatilité. Les flux financiers sur ces segments spécifiques furent colossaux et ont mécaniquement créé une forme de bulle. Et comme toute bulle est vouée à éclater un jour, il vaut mieux les éviter au risque de se priver de la dernière jambe de (sur) performance…

Le facteur déterminant qui pourrait faire éclater cette bulle est un phénomène économique bien connu, décrit dans tous les manuels économiques mais finalement bien obscure pour la nouvelle génération: l’inflation. En effet, alors que l’élection de Trump a amplifié la hausse des attentes d’inflation au niveau mondial compte tenu de sa volonté de mettre en place des politiques expansionnistes, les prémices d’une recrudescence d’inflation était en réalité déjà visible en fin d’année 2016. Et dernièrement, une batterie d’indicateurs nous laisse penser que la dynamique d’un mouvement haussier sur l’inflation est en marche. Aux Etats-Unis, l’inflation salariale avoisine les 3%, en Chine, les prix à la production sont passés en territoire positif (5.5%) pour la première fois depuis 5 ans et en Allemagne, au grand dam de certains politiques qui combattent la politique non conventionnelle de Draghi, l’inflation a grimpé de façon inattendue à 1.9%.

Si nous revenons à notre portefeuille équilibré, et dans un contexte où l’inflation devrait renaitre de ses cendres tel le phénix, ce sont les actifs risqués, à savoir les actions qui devraient produire l’essentiel de la performance positive. Cependant, les entreprises qui ont sensiblement profité de la baisse structurelle des taux en procédant à des achats massifs de leur propre action pour gonfler les bénéfices se sont endettés et un éventuel choc de taux pourrait les mettre à mal. Certains spécialistes estiment que ce seuil de tolérance, donc avant que des secousses ne se fassent sentir sur les actions, est environ à 3%-3.5% pour les taux long terme américains.

Alors que l’inflation mondiale pointe le bout de son nez, il n’est pas recommandé de surpondérer les actifs réputés défensifs puisqu’ils sont à la merci de l’éclatement d’une bulle. Il devient donc important de se positionner sur des thèmes d’investissement (titres financiers en particulier) qui profitent de la hausse des taux afin de contrebalancer les éventuelles pertes sur les segments obligataires. Et finalement, alors que le risque de voir les obligations et les actions produire des performances négatives simultanément en 2017 s’accentue, il convient de garder une poche de liquidités importante. C’est d’ailleurs le seul actif défensif, qui sera prochainement « bien » rémunéré, du moins en USD et selon les projections de la Fed.