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13/07/2016
Le Vietnam prend le relais de la Chine - Interview de Daryl Liew

Fini le temps où la Chine était la grande manufacture du monde. L’Empire du Milieu vise la valeur ajoutée et l’innovation. Les grandes acquisitions de ces derniers mois font partie de ce processus, notamment le rachat de Syngenta par ChemChina annoncé en début d’année. Ses ouvriers, de plus en plus qualiés, sont aujourd’hui payés le même salaire que dans certains pays européens. Une évolution qui s’inscrit dans le recentrage de la croissance entamé en 2008 par Pékin. Pendant ce temps, le Vietnam construit des usines. Le point sur ces évolutions avec Daryl Liew, responsable portefeuille pour Reyl Singapour et fin connaisseurs des marchés asiatiques.

La Chine suscitait encore de fortes incertitudes, quant à sa santé économique, au premier trimestre. Aujourd’hui les marchés semblent rassurés. Qu’en est-il?

Daryl Liew: La Chine nous a habitués à une croissance à deux chiffres ces dernières décennies. Un tel niveau ne peut pas durer indéniment. Le pays atteint des capacités excédentaires dans le secteur primaire, l’acier et le charbon notamment, alors que ces secteurs sont en crise à l’échelle mondiale. Il va falloir restructurer. Et ce type de transformations engendrent un ralentissement, avant une stabilisation. Cela dit, la croissance du produit intérieur brut (PIB) a dépassé l’objectif de 6,5% fixé par le gouvernement.

Comment faut-il comprendre la frénésie d’acquisitions des entre-prises chinoises en Europe –y compris en Suisse après le rachat de Syngenta par ChemChina et de Gategroup par HNA?

Il y en a eu 101 pour un montant total de 62 milliards de dollars depuis le début de l’année. Ces acquisitions font partie du processus d’internationalisation de l’économie chinoise. La Chine étend de cette manière ses connexions avec l’Europe. Mais aussi avec d’autres pays, notamment le Pakistan, où elle a investi 50 milliards de dollars. Et outre des relations privilégiées, Pékin veut aussi amener ses entreprises à un plus haut niveau, privilégier davantage l’innovation, la recherche et le développement.

Au détriment des secteurs qui ont porté sa croissance pendant des années?

C’est une économie à deux vitesses qui se dessine. Certaines entreprises actives dans les biens de consommation et les services affichent des niveaux de croissance très élevés. Et en parallèle, les secteurs primaires de l’acier et du charbon baissent. De même que les usines «low-cost». La Chine n’est plus la grande manufacture du monde. Elle n’est plus aussi bon marché qu’avant. Les salaires des ouvriers ont progressé au rythme de leurs qualications. Et c’est parce qu’elle possède déjà les infrastructures qu’elle demeure abordable.

Ces activités manufacturières plus basiques sont-elles développées ailleurs?

Elles le sont déjà beaucoup au Vietnam. Nous voyons d’ailleurs de plus en plus d’objets – des baskets, des protections pour smartphone – estampillés «made in Vietnam». Le géant coréen Samsung y a d’ailleurs déjà investi plus de 15 milliards de dollars et délocalisé la fabrication de nombreux produits électroménagers de Chine vers ce pays d’Asie du Sud-Est. Le processus est déjà en route, le pays cherche à attirer les investisseurs étrangers avec sa main-d’œuvre bon marché et des avantages locaux. Il pourrait s’accélérer encore si le Partenariat transpacique est ratifié (le TPP, traité de libre-échange signé en février entre douze pays d’Amérique et d’Asie-Pacique, dont les Etats-Unis, le Canada, le Chili, le Vietnam, Singapour, mais aussi l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ndlr).