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06/11/2017
Japon: Etrange sous-pondération des actions - Daryl Liew

La stratégie du premier ministre Shinzo Abe consistant à convoquer des élections anticipées a été payante. En effet, sa coalition conserve sa super-majorité des deux tiers à la chambre basse du Parlement. Il s’agit là d’un revirement spectaculaire pour le Premier ministre et son parti, leur cote de popularité qui avait chuté à 30% suite à divers scandales survenus durant l’été, un niveau dangereusement bas ayant poussé vers la sortie d’autres administrations avant celle-ci. Le remaniement du gouvernement opéré en août avait conduit à une légère amélioration de sa cote de popularité. Enfin, cette victoire écrasante s’explique avant tout par une certaine confusion dans les rangs de l’opposition qui a divisé les voix contre le parti du premier ministre.

Des fondamentaux économiques solides Shinzo Abe a de toute évidence organisé les élections au bon moment. Outre l’état faible des partis d’opposition, les tensions actuelles dans la péninsule coréenne incitent la population à se tourner vers un leader fort. La vigueur de l’économie intérieure a par ailleurs certainement joué un rôle dans cette victoire, le Japon étant en passe d’enregistrer son septième trimestre consécutif d’expansion économique. La population est relativement optimiste, alors que le taux de chômage s’élève actuellement à son plus bas niveau depuis plus de 20 ans. Si les emplois à plein temps ne se sont pas traduits par de fortes hausses de salaire jusqu’alors, certains éléments semblent indiquer que cela devrait se produire d’ici peu. La proportion de travailleurs à temps partiel a également diminué. Le regain d’optimisme des entreprises les inciterait donc à proposer davantage d’emplois à temps plein. Ces facteurs laissent à penser que la croissance de la consommation intérieure, jusqu’à présent atone, pourrait rebondir. Le marché de l’immobilier intérieur se redresse lui aussi. Les prix des immeubles en co-propriété atteignent des plus hauts sur 20 ans, cette hausse s’explique en partie par la faiblesse des taux d’intérêt.

Dans le même temps, l’essor positif du cycle économique mondial a conduit à une résurgences des flux commerciaux asiatiques, ce qui a stimulé les bénéfices des entreprises japonaises. Ces dernières affichent actuellement des bénéfices record par rapport au PIB et disposent de 4000 milliards USD de réserves de cash. Dans ce contexte, les dépenses d’investissement pourraient augmenter.

Si Shinzo Abe a réaffirmé que la hausse de la TVA interviendrait en 2019, comme prévu, il a également annoncé un programme de dépenses de 2000 milliards JPY destinés notamment à garantir l’accès gratuit à l’éducation et aux services de garde d’enfants. Les agences de notation de crédit suivront de près la situation si l’objectif consistant à atteindre un excédent budgétaire d’ici 2022 était repoussé. Cependant, la position budgétaire du Japon pourrait bénéficier d’une augmentation des recettes fiscales découlant de la croissance des bénéfices des entreprises.

Surexposition aux actions japonaises Les actions japonaises sont au plus hauts depuis 20 ans, mais ce rebond s’explique davantage par la croissance des bénéfices que par l’accroissement des multiples. Malgré une progression de 15% cette année, le Japon reste le moins onéreux des trois principaux marchés développés. Le marché boursier japonais est connu pour évoluer à contre-courant du yen (JPY). Cette corrélation semble toutefois s’être rompue cette année, le Topix ayant rebondi malgré l’appréciation du JPY. D’aucuns pourraient se dire que cette corrélation historique n’a plus lieu d’être depuis longtemps déjà, compte tenu des nombreuses délocalisations d’usines à l’étranger opérées par les multinationales japonaises.

Aujourd’hui, seul un tiers de l’économie japonaise est dépendant des exportations. La consommation et les investissements intérieurs sont les principaux contributeurs à l’économie du pays. La fin de la relation historique entre le yen et les actions japonaises constitue une évolution importante, tandis que le JPY semble sous-évalué de 10-15% en termes de parité de pouvoir d’achat. Si cette nouvelle tendance était amenée à perdurer, les actions nippones et le JPY pourraient continuer à progresser, pour le plus grand bonheur des investisseurs internationaux.

Ecueils éventuels

Dans ce contexte, il peut sembler surprenant que les investisseurs internationaux continuent de sous-pondérer les actions japonaises. Nombre d’entre eux sont restés marqués par les revers qu’ils ont subis lorsque le Japon, semblant pourtant remonter la pente, avait été rattrapé par ses vieux démons. L’issue des élections semble cependant indiquer que ce processus sera géré avec précaution par une banque centrale accommodante. Le maintien du Premier ministre à la tête du LDP l’an prochain pourrait être remis en cause si sa cote de popularité restait faible. Toutefois, les résultats obtenus par Shinzo Abe parlent d’eux-mêmes et il se pourrait qu’il remporte un troisième mandat.